Duardo – Auto Promo [Interview]

Orale ese, sup homie, salut poto. Aujourd’hui sort le premier solo de Duardo en exclu sur 187 Prod. Comme l’album s’intitule Auto Promo, j’ai demandé au vagabond du G-funk français de le présenter lui-même, normal.

Je rappe depuis une dizaine d’années, que ce soit en France ou à l’étranger, Los Angeles, Barcelone, Mexico City, d’où mon surnom El Vagabundo. Ici et là, j’ai participé à pas mal de projets et donné beaucoup de concerts, aussi bien dans des petites salles que dans des festivals, sans parler des journées entières passées à freestyler au bord de la plage ou dans la rue. J’ai toujours voulu enregistrer un album, mais plus facile à dire qu’à faire quand tu navigues sans cesse entre pleins d’endroits différents. Et puis j’avais besoin d’affirmer mon style musical, c’est pourquoi Auto Promo a mis autant de temps à se concrétiser.

Mes influences sont très diverses, hip-hop et soul en priorité, mais également reggae et salsa. Si je ne devais citer q’un seul gros classique perso, je dirais le deuxième skeud éponyme des Mexakinz. Les autres rappeurs qui ont bercé ma jeunesse ? Pêle-mêle : Chino XL, Evidence, Bone Thugs, Mexicano 777, Twista, Sick Jacken, etc. En ce moment, j’écoute David Dallas, Nneka, Kendrick Lamar, Los Aldeanos, Sade, A$AP Rocky, Némir. Quant au G-funk français, j’ai découvert cette scène en arrivant sur Paris. Moi qui ai grandi dans le hip-hop, Eastcoast comme Westcoast, ça m’a surpris, je n’imaginais pas qu’une version française de cette musique était possible. J’ai eu la chance de collaborer avec deux de ses meilleurs ambassadeurs : Papillon Bandana et Aelpéacha.

Le premier morceau que j’ai écrit quand je me suis installé à Los Angeles, c’est “Le Rêve californien”. Il figure sur la dernière plage, mais chronologiquement, c’est vraiment le point de départ de l’album. À l’époque, je bossais déjà avec DJ Vince, mon papa du hip-hop qui habite au Mans, d’où je suis originaire. Instru à base de MPC3000, SP-1200 et scratches.

Lors d’un de mes nombreux allers-retours entre la France et L.A., j’ai fait la connaissance de K.rlo qui m’a emmené dans un univers totalement différent et m’a appris à composer avec des vrais instruments. Musicalement, “Le Homeless du Hip-Hop” illustre bien cette composante de l’album. Il symbolise aussi la passion et les frustrations inhérentes à la vie d’un artiste indé. Il m’a servi d’exutoire pour dire que le rap m’enrichit sans pour autant me rapporter d’argent.

Au final, K.rlo a composé cinq des huit tracks de l’album. “Cali Sunshine”, c’est mon été 2010 immortalisé en images. Je squattais tous les jours avec mes potes les Players, on enchaînait les barbecues et les rides dans Paname en Chevrolet Impala 62, Cadillac Fleetwood ou Buick Regal.

“Route 666” est né après plusieurs jours d’affilée enfermé au On Rec West Studio. Je voulais quelque chose de plus profond pour expliquer ma destinée, ce qui m’a conduit jusqu’en Californie. K.rlo a parfaitement su retranscrire ça en musique, bien aidé par la boîte à émotions du Dr. Groove, aka la guitare de Nico Brown. Dès lors, quoi de plus logique que de tourner le clip sur la mythique Route 66, mais on en avait déjà parlé, n’est-ce pas ?

Pendant ces sessions, on expérimentait pas mal. Une fois, K.rlo a placé quelques accords sur son Rhode, une basse, il a enregistré les cuivres à la maison, j’ai appelé mon pote Yohan pour chanter le refrain et les choeurs : l’ébauche est devenue “Flashback”. Le thème de ce morceau est métaphorique, mais je ne veux pas en dire trop, je préfère laisser les gens le découvrir et le comprendre par eux-mêmes.

Retour aux machines chez DJ Vince, on rallume la MPC et les platines, on sample un vieux vinyl de chanson française, on enregistre nos claps avec Rico et Diza, deux autres gars des Cornershop Beatmakers. J’en profite pour ressortir ma vieille Buick, mais les flics de la région n’ayant pas trop l’habitude de voir ce genre de caisses, on se fait sans cesse contrôler. Disons que “Police” est un clin d’oeil à toutes mes arrestations, dont certaines se sont mal passées.

Je considère les gens avec qui j’ai bossé sur ce projet comme des amis. C’est Papillon qui m’a présenté Makavelik. J’ai squatté une semaine dans son aquarium à sirènes et on a produit une dizaine de sons ensemble, dont “Carte de visite”, qui a fini sur la compilation Alabarak 2 [NDLR : toujours en vente ici], un remix de “Mi Vida Loca”, dont l’original est signé DJ Noriega, et “Rien de nouveau”, que j’ai inclus dans l’album. On a tous déjà éprouvé cette sensation bizarre du train-train quotidien, des jours qui défilent au rythme de petits rituels qu’on répète inlassablement. Mais avec une guitare de Nico Brown, des images plein la tête et un “Mak’ on the track” dans les oreilles, ça passe tout de suite mieux…

Si j’ai choisi “Auto Promo” comme titre éponyme, c’est parce qu’il résume bien l’album au fond, c’est ma carte de visite, la mélodie de l’indépendance et de la liberté. Claviers, guitare, basse de K.rlo, beatbox d’Ezra et une bonne dose d’énergie. J’espère que le CD va tourner dans les autoradios cet été. J’ai choisi de confier la vente en ligne à 187 Prod, mais je compte évidemment le défendre aussi sur le terrain lors de mon prochain passage en France.

Je taffe d’ores et déjà sur mon deuxième album, Track Postal, prévu d’ici la fin d’année. Malgré la distance, j’ai envie d’être productif, de continuer sur ma lancée pour confirmer Auto Promo. Je vais sûrement cliper des nouveaux morceaux et j’évolue désormais au sein du DVDM, un crew de Français expatriés à Los Angeles. Certains exercent la musique de façon semi-professionnelle, mais on vit surtout du tatouage. C’est d’ailleurs en partie pour ça que j’ai déménagé là-bas. Je pratique depuis six ans et il n’y a pas meilleur endroit pour progresser, surtout quand tu t’intéresses en particulier au black & grey, aux portraits, aux styles chicano ou inspiré de l’art maya. J’ai incrusté de l’encre dans la peau de beaucoup de proches aux quatre coins du monde. C’est magique de laisser ainsi sa trace sur quelqu’un jusqu’à la fin de ses jours. C’est un acte très symbolique, un art d’une puissance incomparable.

Entre le tattoo, la musique et le lowriding, la Californie concentre mes trois passions. J’aime aller à la source des choses pour mieux les comprendre. La vision qu’on peut avoir de ce qui nous entoure change toujours quand on se place au centre. Il y aura un morceau qui traitera du sujet sur Track Postal. Et puis je me sens épanoui dans la culture locale. Le lifestyle et le climat jouent aussi, c’est con à dire, mais tellement vrai. Je ne sais pas combien de temps je vais rester, mais avec le DVDM on est jeune et ambitieux, donc on développe notre identité et notre savoir-faire, aucune limite à notre créativité. On vit notre rêve californien jusqu’au bout.

 

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